
Projection-débat du film Nous n’avons pas peur des ruines
« Projection en présence du réalisateur »
Yannis Youlountas montre dans son dernier film sur la Grèce la résistance des habitants du quartier d’Exarcheia à Athènes. Il met en valeur la beauté des gens quand ils mènent la lutte, il capte leurs mots avec respect, il montre ce que peut être le communisme libertaire, pas en théorie mais mis en œuvre.
Yannis Youlountas documente ce qui se passe en Grèce depuis 2008. Il nous a déjà présenté dans ses films le quartier d’Exarcheia à Athènes : ses squats, ses révoltes, sa mobilisation pour les migrants, pour les droits sociaux, son fonctionnement libertaire. Là, d’emblée, ce nouveau film nous montre le premier ministre Mitsotakis qui, dès son arrivée au pouvoir en 2019, annonce qu’il va mater le quartier rebelle et « aspirer tous les déchets ». Les occupants résistent, au cri de No Pasaran, et les violences policières se déchaînent. L’État néolibéral ne supporte pas ce qui se vit concrètement dans ce quartier : l’autogestion et la liberté. L’extrême droite, de son côté, ne craint pas de proclamer qu’« il faut des morts » et « affamer les migrants ». Ces derniers viennent d’Irak, de Palestine, d’Algérie, d’Iran, du Liban, du Yémen, de Turquie. Un témoin dit à leur sujet : « ils ne savent pas ce qu’est la gauche ou la droite : ils ne pensent qu’à vivre ». La télé dominante s’offusque, il n’y aurait pas de Syriens alors que la Syrie est en guerre ! 269 réfugiés, dont 98 enfants, sont expulsés. Mais s’il y a 21 immeubles squattés à Exarcheia, 24 autres le sont également dans Athènes.
Ce quartier est un lieu de solidarité, avec distribution de nourriture, cuisine et jardins solidaires, dispensaires et médicaments, clubs sportifs et bibliothèques sociales bilingues autogérées. La solidarité vient de toute la Grèce mais aussi de France, de Suisse et du Brésil. On le sait, la Grèce a morflé avec la Troïka (BCE, FMI et Commission Européenne) qui a imposé son diktat et réduit drastiquement les revenus des Grecs. Le Covid a aggravé la situation, la pauvreté s’est accrue.
Illustration 2
On assiste à des actions osées, filmées par Yannis, comme cette entrée (grâce à des codes secrets d’accès récupérés) au Conseil d’État. Les murs sont constellés de graffitis. Pia Klemp, biologiste, capitaine de navire de secours en Méditerranée, présente dans la lutte, est interviewée. Elle explique les raisons de son engagement, les graffitis elle les porte sur elle.
Le film nous emmène en Crète où 100 000 oliviers ont été arrachés pour la construction contesté d’un aéroport. Ou sur les plages de Paros dans les Cyclades pour les libérer de l’emprise des hôtels de luxe.
Aucune transformation sociale n’est identique : ce qui sortira d’ici sera original. C’est le changement social qui nous apprend la voie à suivre. Les théories ne manquent pas, l’action oui. L’anarchie n’est pas l’absence d’organisation, c’est l’organisation au plus près des gens. Agir local, penser global. Des paroles d’espoir : « c’est quand tout semble fini que tout commence ».
Des cartons réguliers scandent le film : manifeste de l’anarchie, Castoriadis, Freinet, Louise Michel, Albert Camus, Angela Davis. Le titre du film s’inspire d’un propos tenu à Madrid en 1936 par Buenaventura Durruti révolutionnaire espagnol combattant le franquisme, ainsi que le sous-titre : « nous portons un monde nouveau dans nos cœurs ». Les ruines ce sont celles du capital, celles qu’il provoque en permanence. Les communistes libertaires eux, n’ont que faire des ruines du capitalisme, ils construisent un monde nouveau. Ce film est vivant, enthousiasmant : Yannis Youlountas sait capter la beauté des luttes : les couleurs, les banderoles, les slogans, mais surtout les gens mis en valeur, physiquement, moralement, avec leurs paroles qui expriment une vie réelle et portent un message d’espoir.